« Apprendre à ses dépens »
Pam devant la Tour CN.
Lors d’un rendez-vous préopératoire, Pam Husband a demandé si sa chirurgie de remplacement valvulaire pouvait être reportée. L’infirmière lui a répondu franchement : « Pam, votre sténose aortique est si grave qu’il est étonnant que vous puissiez marcher ou parler. L’opération ne peut attendre. »
Cela faisait environ 30 ans que Pam retardait cette chirurgie – ce qui explique en partie pourquoi la valve aortique de Pam avait rétréci au point de rendre son remplacement des plus urgents.
À travers son parcours, Pam a appris à la dure des leçons qui pourraient aider d’autres personnes atteintes d’une maladie valvulaire. La cofondatrice de la Canadian SADS Foundation (en anglais) et militante chevronnée de la santé cardiaque a raconté son histoire à Une voix aux maladies valvulaires Canada.
Quand a-t-on découvert votre maladie valvulaire?
Dans la trentaine. Je me suis rendue à l’urgence pour une douleur aiguë qui a révélé une appendicite. Le médecin qui m’a examinée a détecté un important souffle cardiaque. Ainsi, après mon appendicectomie, on m’a aiguillée vers l’Hôpital général de Toronto pour une évaluation en cardiologie, et c’est à ce moment qu’on a diagnostiqué ma bicuspidie aortique.
Que s’est-il passé après ce diagnostic?
À l’époque, je ne présentais aucun symptôme : la bicuspidie aortique ne changeait rien à ma vie. Donc, mon médecin de famille surveillait mon souffle cardiaque lors de mes rendez-vous annuels. Après 10 ou 15 ans, le souffle était devenu très fort, et elle m’a envoyée en cardiologie pour une consultation.
Le cardiologue m’a alors dit qu’une chirurgie valvulaire allait être nécessaire tôt ou tard, mais comme je me sentais bien et que l’idée de me faire opérer me terrifiait, j’ai refusé d’y croire.
Chaque année, je passais un échocardiogramme. Puis, un jour, le cardiologue m’a dit que mon sang circulait vraiment moins bien par ma valve malade et que ma chirurgie s’annonçait comme imminente.
Ce à quoi j’ai répondu : « Pourquoi? Je me sens pourtant bien. »
En rétrospective, j’aurais pu poser plus de questions. Je regrette de ne pas avoir eu une meilleure discussion avec le cardiologue : peut-être m’étais-je convaincue que je pourrais éviter la chirurgie, ou peut-être ne m’avait-on pas donné assez d’information. Une chose est sûre : je ne comprenais pas réellement ce qu’était une sténose aortique et que cette maladie pouvait endommager mon cœur.
Qu’est-ce qui a changé?
Lentement, mais sûrement, j’avais de moins en moins d’énergie. Alors âgée de 65 ans, je me disais que ça pouvait être un signe de vieillissement. Je n’avais jamais vraiment souffert d’essoufflement ou même d’angine ou de douleur à la poitrine.
En 2017, lors d’un voyage en Europe, c’est en marchant que j’ai commencé à ressentir une pression à ma poitrine et de l’essoufflement à la moindre élévation. Cette pression s’aggravait lorsque je m’allongeais.
Le lendemain de mon retour de voyage, j’avais mon examen cardiaque annuel. Dès que les résultats lui sont parvenus, mon cardiologue ne pouvait cacher sa stupéfaction : « Vous êtes à court de temps. »
Vous avez donc subi une chirurgie de remplacement. Comment s’est-elle passée?
Le chirurgien a pris le temps de me présenter en détail les options de prothèse : valve biologique ou valve mécanique. J’y ai bien réfléchi, et ensemble, nous avons convenu qu’une valve biologique était le meilleur choix pour moi.
Avant la chirurgie, j’ai été étonnée d’apprendre la présence d’un anévrisme à la racine de mon aorte –sans doute le résultat de l’obstruction sanguine causée par ma valve défectueuse. « Il faudra corriger ce problème du même coup », m’avait informée le chirurgien.
Mon opération s’est bien passée, mis à part quelques complications, et malgré un épisode de fibrillation auriculaire (FA), mon rétablissement initial (à l’hôpital) s’est bien déroulé. Malheureusement, une éclosion du C. difficile sur mon étage a précipité mon congé, six jours seulement après ma chirurgie : j’étais alors encore très faible. Le lendemain, je me suis retrouvée à l’urgence de l’hôpital le proche de chez moi pour un autre épisode de FA.
Cet hôpital de Mississauga n’a pas pu accéder à mon dossier médical d’une autre région administrative – celle de Toronto, où j’avais subi ma chirurgie. Je suis restée là à attendre que ça passe, sans même qu’on m’envoie en cardiologie : l’équipe de soins ne savait pas trop quoi faire de moi.
Après deux ou trois visites à l’urgence, le cardiologue de l’hôpital m’a prescrit des anticoagulants pour prévenir les caillots sanguins et les accidents vasculaires cérébraux (AVC) pouvant être causés par la FA – qui a fini par disparaître avec la guérison de mon cœur.
Pam Husband.
Qu’est-ce qui a favorisé votre rétablissement?
Deux choses : l’aide à la maison et le programme de réadaptation.
En premier lieu, comme je vivais seule, ma sœur et ma fille m’ont grandement aidée quand je suis rentrée chez moi. Après quelques semaines, je me suis retrouvée à nouveau seule, mais le pire était déjà passé : je n’ai jamais plus souffert de FA. Par ailleurs, j’ai eu l’aide de bons voisins.
En deuxième lieu, j’ai suivi un programme structuré de réadaptation cardiaque qui a été très bénéfique pour moi. Il m’a redonné confiance dans ma capacité à faire de l’exercice – grâce au suivi de mes progrès – et m’a aidé à instaurer une routine.
Initialement, on m’avait orientée vers un programme loin de chez moi. Puis, après quelques recherches, j’en ai trouvé un plus près, pour lequel j’ai demandé une nouvelle référence.
Tous les efforts en ont valu la chandelle : outre les bienfaits physiques de la réadaptation cardiaque, le soutien émotionnel qu’apporte un tel programme est non négligeable.
Comment vous sentez-vous aujourd’hui?
J’ai 75 ans, et je suis en santé. Je peux marcher 10 000 pas par jour. Je me trouve pas mal chanceuse.
Mon cœur présente une hypertrophie auriculaire, qui a sans doute partiellement été causée par ma chirurgie tardive. Ainsi, je suis toujours suivie en cardiologie et très satisfaite du service que je reçois.
Qu’aimeriez-vous que plus de gens sachent sur la bicuspidie aortique?
Les troubles valvulaires semblent être courant dans ma famille : mon neveu a une bicuspidie aortique, tout comme son garçon, et les antécédents médicaux de mon père suggèrent qu’il en souffrait lui aussi.
Donc, je recommande fortement à toute personne ayant de la famille atteinte de cette maladie de se faire examiner. Un diagnostic précoce peut prévenir de possibles complications.
Que conseillez-vous aux personnes atteintes d’une maladie valvulaire?
Assurez-vous de comprendre votre diagnostic en posant beaucoup de questions – surtout si vous ne présentez aucun symptôme comme dans mon cas.
N’évitez pas les conversations difficiles. Quelque effrayants qu’ils soient, certains renseignements pourraient vous sauver la vie.
Demandez un examen de dépistage si une personne de votre famille proche a une bicuspidie aortique.
Préparez votre convalescence : 1) entourez-vous de personnes aimantes de confiance pour vous soutenir au début de votre rétablissement; 2) assurez-vous de savoir quoi faire, où aller et qui appeler si quelque chose ne va pas, comme en cas de FA ou d’infection.
Faites valoir vos intérêts. Si vous avez des préoccupations, n’hésitez pas à en parler et bâtissez l’équipe dont vous avez besoin pour aller mieux.